LES SPAHIS DE LA FRANCE LIBRE


LES SPAHIS DE LA FRANCE LIBRE

Paul ODDO

NDLR : le général de CA Oddo a servi aux spahis de la France Libre comme chef de peloton
et comme commandant d’escadron de 1941 à 1945.

Il avait auparavant commandé un peloton de chars de cavalerie en Belgique et un escadron Tcherkess en Syrie.
Il commandera par la suite le 24e dragons et le 4e husssards en Algérie et terminera inspecteur de l’ABC.
Titulaire de 12 citations, 3 blessures, il est grand officier de la Légion d’honneur et compagnon de la Libération.

 


L’un des meilleurs exemples de la transformation de l’arme entre juin 1940 et avril 1945 est donné par les spahis de la France Libre qui débutèrent avec un escadron à cheval pour finir en régiment blindé  de reconnaissance à huit escadrons.

Ils eurent la chance exceptionnelle de charger à cheval en Erythrée, de mener la guerre du désert entre El-Alamein et Tunis, de servir des blindés de trois nationalités, enfin de rencontrer et de suivre dans son épopée la figure lumineuse du général Leclerc.

Leur histoire est aussi celle d’une compagnie de chars venant de Norvège, qui fut avec les spahis aux jours sombres et aux jours de gloire, et constitua le noyau du 501e RCC.

 

 

 

 

Les débuts

Tout a commencé dans le désarroi qui accompagna l’armistice de juin 1940 au Levant.
Le l/ler RSM, faisait partie du GRD 192 et manœuvrait dans la région de Rachaya, au Sud-Liban. Son chef, le capitaine Jourdier, constatant les tergiversations du commandement et les hésitations des exécutants, comprit que la décision de continuer le combat lui incombait, à lui seul, et devait être exécutée sur le champ.
Le 30 juin, sans même avoir entendu l’appel du général de Gaulle, sachant seulement qu’il rejoignait une armée encore en guerre avec les occupants de la France, il franchissait la frontière libano-palestinienne à hauteur des sources du Jourdain. Ses subordonnés avaient été laissés libres de leur décision.
Les spahis trouvaient en Palestine un Empire britannique qui, pas plus que la Métropole, n’avait compris l’étendue du désastre, mais qui, comme elle, allait très vite faire face.
Ses forces restaient seules à affronter une Wehrmacht en pleine expansion victorieuse et des armées italiennes qui, de Libye, d’Egypte, d’Abyssinie et de Somalie, menaçaient la route des Indes.

Dans ces conditions, tout renfort était le bienvenu mais les spahis, comme les autres Français qui reprenaient le combat, ne pouvaient pas être équipés en matériel moderne.
L’escadron stationna durant l’été à Ismaïlia où étaient rassemblées les FFL, accueillant des personnels supplémentaires venant d’Egypte ou de Syrie, et conservant ses chevaux.
Début octobre, la décision fut prise au QG du général Wavell d’envoyer cet escadron au Soudan pour la campagne d’Erythrée. Il allait y partir à l’effectif de 4 officiers, 15 sous-officiers, 50 hommes de troupe, à quarante pour cent marocains, répartis en un groupe de commandement réduit, un service auto de trois camionnettes et trois pelotons à cheval. Mais les effectifs rudimentaires faisaient de ces pelotons des groupes dotés d’un seul FM Hotchkiss datant du début du siècle : l’officier de liaison avait dit : « prenez-les quand même : ils serviront de monnaie d’échange ». Les mousquetons modèle 92 avaient été remplacés par des fusils anglais portés à la botte; mais il restait les sabres français !
Quatre semaines au Soudan furent nécessaires pour vacciner les chevaux et les accoutumer au climat et à l’alimentation ; puis l’escadron fut affecté à la 5e division indienne appartenant à un corps d’armée qui, après avoir refoulé une pénétration ennemie, agissait en direction de l’Est. Cette division détachait par roulement un bataillon en flanc-garde sud, sur la rivière Sétit, près de la frontière entre l’Erythrée et l’Ethiopie. C’est là que l’escadron fut placé.
Il arriva le 9 décembre à Abou-Derissa, pour patrouiller durant trois semaines dans toutes les directions, à la recherche d’un ennemi insaisissable, sur un terrain ondulé, couvert de savane à hautes herbes ou d’épineux et de baobabs. Le contact devait être recherché par la surprise.
Ce put être réalisé le 2 janvier 1941 : un passage favorable reconnu discrètement sur le Sétit permit d’aborder de flanc avec deux pelotons une compagnie d’askaris érythréens en train de poser des mines. Le terrain trop couvert fit avorter une tentative de débordement pour couper la retraite de l’ennemi. La progression fut reprise avec l’arrivée de deux sections indiennes placées en recueil et d’un troisième peloton de spahis, attaquant à pied le plateau d’Umbrega où avait été aperçu à nouveau l’adversaire. Le capitaine commandant emmena alors au galop, sabre à la main, ses deux pelotons à cheval pour prendre le plateau à revers, l’un chargeant à travers les hautes herbes, l’autre verrouillant un passage sur le Sétit où s’était dévoilé un FM. L’ennemi laissait 12 tués et 3 blessés dans cet engagement qui fut sans doute une des dernières charges de cavalerie. Nous perdions le spahi Mohamed ben Ali, atteint d’une grenade percutante à la figure, qui fut sans doute le premier FFL tombé à l’ennemi en combat terrestre.
Quelques jours plus tard, les FM Hotchkiss furent remplacés par des Vickers Berthier qui seront d’un excellent usage le 18 janvier.
Ce jour-là, les Britanniques qui craignaient une attaque envoyèrent l’escadron chercher le renseignement dans la région d’Oum-Ager. Après une première rencontre de patrouilles adverses, le contact fut pris avec une ligne continue d’avant-postes. Mais au cours du décrochage qui suivit, l’escadron se trouva pratiquement encerclé et ne put se dégager que par un violent combat rapproché, à cheval et à pied. Les seules pertes étaient trois blessés et quatre chevaux tués alors que l’ennemi avait engagé un bataillon et deux escadrons à cheval.
L’offensive britannique déclenchée fin janvier amena l’escadron jusqu’à Agordat où il reçut la visite du général de Gaulle. L’arrivée d’un important renfort de Nord-Africains, rescapés de Dunkerque, et leur amalgame ne permirent pas aux spahis de participer à la prise de Kéren avec les autres unités FFL.

 

La situation se clarifiait en Afrique orientale avec la capitulation italienne en Ethiopie, mais il n’en allait pas de même en Méditerranée orientale où se précisait la menace allemande. Avril vit la chute de la Yougoslavie puis de la Grèce, et en Afrique, la perte de la Cyrénaïque et l’encerclement de Tobrouk. En mai, la Crète tombait à son tour et la révolte de Rachid Ali en Irak était soutenue par l’Allemagne à travers la Syrie. Le dispositif allié devait donc se rééquilibrer plus au Nord, et une intervention britannique au Levant français semblait de nature à desserrer l’étau allemand. Le commandement FFL décida d’y participer pour ne pas laisser les Anglais mettre la main sur notre ancien mandat. C’est ainsi que l’escadron de spahis retrouva le 20 mai la 1re division du général Legentilhomme à Qastina, en Palestine.
La campagne de Syrie fut une des pires épreuves de l’armée française car de part et d’autre il fallait combattre des frères. Menée par des personnels d’activé, prisonniers de leur sens de la discipline, mais aussi de leur courage, elle fut inutilement sanglante.
Les spahis, constitués en escadron porté et renforcés de deux automitrailleuses, formaient l’avant-garde du détachement placé aux ordres du colonel Collet, chargé de couvrir le flanc est de la division Legentilhomme. Le 15 juin ils participaient à une offensive générale sur Damas et devaient s’emparer du djebel Abou-Atriz en même temps que la compagnie de chars H 39 venant de Norvège, inaugurant ce jour-là une camaraderie de combat qui ne devait plus cesser. Une heure après le début de l’engagement, l’escadron et la compagnie étaient virtuellement anéantis avec 4 officiers tués et le reste de l’encadrement et tous les chars mis hors de combat.
La guerre du désert
Une fois les armes apaisées au Levant, les forces qui y avaient été engagées savaient que leurs prochains combats seraient ceux du désert de Libye. Pour s’y préparer, elles devaient se réorganiser grâce aux renforts venant d’Angleterre, d’Afrique, aux ralliés et au matériel français laissé sur place.
Les spahis, conservant l’écusson du 1er marocains, furent constitués en un GRCA, stationné à Damas, aux ordres du chef d’escadrons Jourdier et comprenant :
— un escadron porté sur camionnettes, avec des personnels marocains;
— un escadron d’automitrailleuses White Laffly, avec des Français;
— un escadron lourd d’appui, motorisé, avec des Tchadiens.

Cet escadron n’eut qu’une existence éphémère, car, pour des raisons ethniques, ses indigènes furent reversés à la coloniale. Mais sa constitution, par le capitaine Morel-Deville, constitua un exploit car les hommes recrutés dans la brousse du Tchad, vers Abéché, étaient en quelques semaines aptes au combat à cheval, avec une tenue à cheval et une présentation remarquables. Six mois plus tard, cet escadron servait des canons de 75mm, des mortiers de 81, et des mitrailleuses Hotchkiss.
La deuxième campagne de Libye de novembre 1941 à juillet 1942 allait donner aux Français l’occasion de s’illustrer à Bir-Hakeim.
La participation des spahis débuta fin décembre 1941 avec l’envoi d’un peloton d’automitrailleuses auprès de la brigade Kœnig qui tenait un point d’appui à l’extrême sud des positions alliées.
Les missions demandées à la cavalerie légère à cette époque au désert étaient très classiques : renseigner et couvrir. Les procédés l’étaient moins. Ils pouvaient être l’envoi de patrouilles lointaines comprenant un peloton d’automitrailleuses, un canon et quelques véhicules d’accompagnement. Ces raids duraient plusieurs jours et, en cas de rencontre avec l’ennemi, n’amenaient que des échanges de coups de canon à longue distance. Ce fut le rôle du peloton de spahis détaché auprès de la brigade Kœnig.
Mais le plus souvent les automitrailleuses étaient placées en rideau d’observation appelé « screen » chaque fois que le contact n’était pas étroit. La surveillance était lassante par la rareté des incidents et le vide du paysage; elle était rendue difficile par l’absence de points de repère et la réverbération du sol surchauffé. A la nuit, les véhicules se resserraient en « leagers », carrés faciles à défendre analogues à ceux des colons américains dans le Far West.
La navigation, sur des cartes où le « blanc » dominait, sur des terrains souvent magnétiques, se faisait au compteur kilométrique et au compas ; elle fut plus facile après réception des compas solaires. Les déplacements imposaient une excellente connaissance des qualités de sable et un recours fréquent aux « sand channels », sortes de plaques de roulement.
Le GRCA, à deux escadrons, partit pour le « désert occidental » auprès de la brigade Cazaud en avril 1942 et fut regroupé en Libye le 17 mai 1942. Sans équipement blindé, motorisé sur camionnettes 4×2 françaises, il était inadapté au combat qui vient d’être décrit. Il reçut des missions de défense vers Bardia et Sollum, puis fut réorganisé pour former deux groupes de reconnaissance qui suivirent le repli de la 8e armée en Egypte sans avoir l’occasion d’accrocher l’ennemi.
Le coup d’arrêt donné à El-Alamein marqua un tournant dans cette guerre : l’Angleterre avait tremblé et décida d’en finir avec la menace sur l’Orient. Des troupes fraîches venant de l’ensemble de l’Empire, du matériel neuf, souvent américain, un nouveau chef et de nouvelles méthodes de combat permirent une réorganisation d’ensemble à laquelle furent associées les troupes françaises.

 

 

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1er RMSM - 14 juillet - vidéo 2' 47'

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1er RMSM - 1944 - vidéo 3' 47

 

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Septembre 1944 – AMM8 du 2e Escadron (Capitaine Pallu) à Dompaire – (Source ECPA)