KSAR RHILANE par François JACOB

 

 


KSAR RHILANE  par François JACOB
 

 

 

La bataille de Ksar Rhilane
par François JACOB

 

10 mars 1943, le Sud tunisien. Un jour glacial se levait sur Ksar Rhilane. De l’ombre sortait un paysage de sable et de cailloux dont les convulsions n’avaient pas changé depuis l’enfantement de la terre. Monde sans vie où seul un puits portait la marque de l’homme. Aube grelottante du désert avec, à l’Est, un ciel rosé et vert où, au loin, se découpaient, noirs, les Matmatas. Puis, à l’Ouest, émergeaient les plis pâles du grand Erg qui commençaient à se dorer. Ce matin-là, on a d’abord vu revenir les automitrailleuses du capitaine S. Elles avaient jusqu’alors, patrouillé vers Ksar Tarcine et le djebel Outid, couvrant au Nord la position qu’occupait le gros de la colonne Leclerc, baptisée « Force L ».
En les voyant arriver, lointains points sombres sortant de l’ombre et grossissant avec le jour, nous avons compris qu’il allait y avoir du grabuge. Pour moi, cette journée a marqué le tournant de la guerre. Le moment précis où a basculé le sort.
Journée d’épreuve. De test même. Car les campagnes menées jusque-là par Leclerc, les coups de main d’abord, puis la campagne du Fezzan, les dernières semaines, ne s’étaient heurtées qu’aux Italiens. Mais, cette fois, il s’agissait des Allemands. De l’aviation allemande qui, depuis plusieurs jours, nous surveillait sans cesse, nous mitraillait parfois. Des blindés allemands dont, la veille, les Anglais avaient signalé une concentration au nord de Ksar Rhilane. Pour les Français venus du Tchad, c’était, ou la première rencontre avec des unités allemandes, ou les retrouvailles depuis juin 1940. Pour beaucoup, il avait fallu fuir de France, passer en Angleterre, puis en Afrique, au Congo ; remonter au Tchad, traverser quinze cents kilomètres de désert, atteindre la Méditerranée pour se trouver enfin face aux blindés nazis. Ce point atteint, il ne pouvait être question de reculer. Nous ne pouvions nous permettre ni défaite ni retraite. Mais, pour la troupe de clochards venus du Tchad, pour les coureurs du désert, habillés de bric et de broc, roulant dans des camions à bout de souffle, mal équipés, mal armés, un engagement contre les blindés de l’Afrika Korps représentait une aventure d’une dimension nouvelle. Un pari. Une gageure.
Journée de découverte. D’initiation. Pendant la campagne du Fezzan, j’avais reçu ce qu’on appelle le baptême du feu. Mais les combats auxquels j’avais assisté ressemblaient à des batailles navales. Des engagements brefs et à distance, contre des forts ou des véhicules éloignés. Quelques coups de canon et les Italiens décrochaient ou se rendaient. La performance de Leclerc, là, c’était, plus que l’exploit guerrier, la randonnée au bout du monde. Plus que les combats eux-mêmes, la traversée par trois mille hommes et leur matériel d’un désert impossible, en territoire ennemi à des milliers de kilomètres de nos bases.

Mais, dans le paysage lunaire de Ksar Rhilane, se préparait tout autre chose. Pour la première fois, je percevais physiquement, dans tout mon corps, l’approche du combat. Sentiment violent. Aussi fort et précis que la haine ou le désir sexuel. Tout dans le paysage, dans le ciel, dans les dunes devint indistincte menace. Et quand, au fond de l’aube et du froid, résonna le premier coup de canon ennemi, ce fut comme la seconde où la guerre commençait pour de bon.
Journée d’exaltation et de peur. Je ne me demandais même plus laquelle des deux l’emporterait. Quand les obus commencèrent à soulever des gerbes de sable, quand le bruit des moteurs et des chenilles se rapprocha, l’éclairage changea soudain. Lorsque les événements sont aussi forts, aussi accrochés que la mer l’est au vent et la vie au temps, ils commandent jusqu’à la façon qu’on a de chercher à les vaincre. Ils vous portent. Ils mêlent instinct et conscience. C’est leur violence même qui nous donne la force. L’inquiétude des interrogations, l’angoisse des choix s’évanouissent devant la lutte et l’effort de survie. Mais, très vite, je découvris aussi la difficulté de me trouver sans arme au milieu d’une bataille. A l’heure où l’on pouvait enfin combattre, enfin tuer, je n’avais dans les mains qu’une boîte à pansements. A la question : est-ce aujourd’hui qu’on va mourir ? On peut répondre avec une mitrailleuse ou un canon, non avec un brancard. J’enviais autour de moi mes camarades sur leurs armes, un mauvais sourire à la bouche. Journée d’attente. De silence et d’immobilité d’abord. Tout était enterré dans la position. Les hommes, les canons, les armes. Cachés dans des trous de sable. Recouverts de filets. Les ordres de Leclerc étaient formels. Pas un mouvement. Pas un bruit. Pas un tir avant que l’ennemi ne fût là, tout près, à notre portée. Avant qu’on ne fût sûr des coups au but. Il fallait laisser l’ennemi nous chercher, explorer la position dont il ignorait le tracé.
Vers sept heures, on aperçut les premières automitrailleuses allemandes qui émergeaient des dunes, au nord-est de Ksar Rhilane. Puis on entendit des explosions, un peu étouffées, un peu éparpillées. Explosions sourdes, comme venues de la terre. Puis un ronflement furieux, comme une aspiration, une succion de l’air par un obus qui nous dépassa pour aller exploser loin derrière nous. Puis, tout près, deux éclatements d’une extrême violence, le sable qui giclait. Une rafale de mitrailleuse au loin. Une autre explosion encore. L’ennemi sondait, tâtait, cherchait à nous repérer, attendant notre riposte pour nous situer. Dans l’intervalle des explosions, le silence comme suspendu, haletant. Personne ne bougeait dans la position. Les hommes restaient plaqués au sol. Enterrée, camouflée, la « Force L » demeurait figée. Là-bas, devant, j’apercevais les têtes de nos tirailleurs dépassant des trous, immobiles. Le crâne du lieutenant P. rivé à ses jumelles. Tapi à côté de moi, les yeux au ras du sol, Toubalba, l’immense infirmier Sara, marmonnait : « Mais quand va-t-on tirer enfin ? » L’artillerie allemande continuait d’arroser la position. Devant. Derrière, dans l’erg. A droite. A gauche. Au hasard. La position restait muette. Quand au loin, monta comme une rumeur assourdie. Sorte de vibration de plus en plus profonde. De plus en plus tendue. Comme un crescendo qui emplit le ciel d’un rugissement, déchirant l’air du désert. Surgirent alors une quarantaine d’avions à croix noire, Messerschmidt et Stukas, piquant, mitraillant, bombardant la position au petit bonheur avant de repartir vers le Nord. Les blindés allemands se déployaient maintenant de plus en plus près, gros insectes mécaniques, se dandinant, évoluant par saccades, au combat comme à la parade. Derrière, les grenadiers avançaient par petits bonds, tirant des rafales à tort et à travers, saupoudrant la position, ignorant toujours nos emplacements. « Mais qu’attend-on pour tirer ? » répétait Toubalba. Et, comme pour lui répondre, Ksar Rhilane, d’un coup, prit feu. L’ennemi était arrivé là, tout près, à portée. Subitement tout ce qui, dans la position, pouvait tirer, tira. Canons de toutes sortes, mitrailleuses de tous calibres, mortiers, fusils-mitrailleurs, enfin libérés, crachaient à pleines gueules. Plusieurs véhicules allemands brûlaient.
Dès lors renseigné, l’ennemi commença d’ajuster son tir. Les arrivées d’obus se rapprochaient. Les balles ricochaient en sifflant sur le sable. Dans ma capote, que j’avais jetée sur l’épaulement de notre trou abri, Toubalba me montra deux impacts de balles. Les chars approchaient dans un fracas de chenilles. A ce moment précis, le ciel et la terre, à nouveau, s’emplirent d’un hurlement de plus en plus strident. La Royal Air Force cette fois ! Une quarantaine de Spitfire et Hurricane. Moitié à haute altitude pour surveiller le ciel. Moitié en rase-mottes pour attaquer les colonnes allemandes. Fortes explosions secouant à nouveau la terre. Lourdes volutes de fumée noire s’élevant derrière les collines au Nord et à l’Est. Dernier passage des avions anglais, suivis des yeux par les Français Libres conscients de leur devoir une fière chandelle.
Le ciel s’était vidé. Les blindés allemands avaient reflué. Au loin, des munitions continuaient d’exploser, sans fin. Il y avait quelques blessés à la compagnie. Plusieurs légers, à qui je pus faire des pansements. Deux plus sérieux, qu’on évacua sur le poste chirurgical. Journée d’incertitude. De revirement. D’angoisse. Il n’y avait guère de chances que l’ennemi en restât là. Qu’il s’avouât battu. Par deux fois, à midi, puis à seize heures, la marée nazie revint à l’assaut. Par deux fois, l’ennemi tourna autour de la position, cherchant la faille, s’infiltrant peu à peu. Une première fois au Sud, une seconde fois à l’Est de la position, toujours selon le même scénario. Irruptions stridente de l’aviation allemande, des Stukas piquant toutes sirènes hurlantes, mitraillant, lâchant des chapelets de bombes qui secouaient la terre en rafales. Déchaînement de l’artillerie pilonnant la position de toutes pièces, approche des blindés suivis des grenadiers collant aux éclatements de leur artillerie, pénétrant peu à peu dans nos lignes malgré les rageuses répliques de nos batteries détruisant des chars et des camions ennemis, sans toutefois enrayer leur avance.

Et puis, comme par miracle, au moment où la situation devenait critique, où l’ennemi avait réussi à entamer la position qui comptait des morts, des blessés, des véhicules en feu, un rugissement montait soudain de l’erg, arrêtant tout mouvement à Ksar Rhilane. Les chasseurs bombardiers britanniques surgissaient au ras du sol, fonçant sur les Panzers déployés pour l’assaut, remontant en chandelle pour piquer sur les chars, mitraillant en rase-mottes les formations de grenadiers, forçant à nouveau l’ennemi à la retraite. Et, à nouveau, les fumées noires des véhicules ennemis incendiés s’élevaient dans le silence qui suivait le passage des avions. L’étrange silence après le fracas des combats. Impression que nous l’avions échappé belle. Que les Allemands, à chaque attaque, avaient réussi à pénétrer plus profondément. Plus à midi que le matin, plus encore dans l’après-midi. Impression que c’était partie remise. Que derrière les collines et les dunes, les tanks ennemis, cachés, camouflés, attendaient une occasion nouvelle. Que la chance d’une intervention aérienne des Alliés ne se retrouverait pas éternellement. Que la prochaine attaque allemande pourrait bien être la bonne. Que l’épopée partie du Tchad à travers le Fezzan et la Tripolitaine risquait fort de s’achever dans cette cuvette de sable, autour d’un puits perdu.
Journée de victoire, enfin. De triomphe même. Depuis le matin, les deux aviations semblaient s’éviter avec soin. A chaque attaque, les Allemands arrivaient les premiers, pour appuyer l’assaut de leurs blindés. Après leur départ seulement, le ciel une fois vidé, les Anglais arrivaient à leur tour pour contenir cet assaut. Vers cinq heures, après le dernier passage des avions britanniques, les colonnes nazies durement touchées s’étaient repliées vers le Nord. Sur la position, on pansait les plaies. On ramassait les morts. On évacuait les blessés. L’anxiété, la tension du combat avaient laissé place à une sorte d’exaltation lasse.
Le soleil baissait sur l’erg, quand, soudain, un grondement d’avions grandit à nouveau. D’un coup, le ciel se remplit. Les cocardes des Britanniques, d’abord surgissant de l’erg. Et presque aussitôt les croix noires des Allemands, arrivant par le Sud. Pour la première fois, les deux formations se trouvaient face à face au-dessus de Ksar Rhilane. Tout alors s’arrêta sur la position. Chacun s’installa, nez en l’air, pour le spectacle. Et quel spectacle ! Quel ballet de vie et de mort ! Avec des arabesques, ascensions, piqués, virages, poursuites, rase-mottes. Dur, bref et net. En quelques minutes, plusieurs avions allemands tombaient en feu. Longues traînées de fumée. Parachutes ouverts. Hurlements de joie chez les Français Libres debout pour acclamer les aviateurs anglais. Maîtres du ciel les Spitfire revenaient survoler la position, puis s’éloignaient vers le Nord à la poursuite des unités nazies en retraite. Dernières explosions secouant la terre au loin. Dernières colonnes de fumée montant du djebel Outid. Journée de jouvence. De renouveau. Une fois les plaies pansées, les derniers blessés évacués, vint le temps de s’ébrouer. Il me semblait revenir sur la terre, comme après un cauchemar. Le soir tombait. Le silence recouvrait Ksar Rhilane, plus profond encore d’avoir été troublé si violemment. Ici même, des hommes avaient parcouru des milliers de kilomètres pour venir s’étriper. Des voisins étaient venus de France et d’Allemagne pour s’entre-tuer, sur une terre sans habitant, sans la moindre vie. Étrange terre, soudain transformée pour quelques heures en enfer et qui, maintenant, retrouvait sa tranquillité, son impassibilité. Dans l’ombre qui estompait peu à peu les formes alentour, l’unité de la nuit semblait témoigner de l’unité du monde. Je me sentais naître à une vie nouvelle. Comme un prisonnier évadé qui, au soir d’une longue marche, arrive au sommet d’une montagne pour y découvrir un pays d’accueil et de liberté. L’univers m’apparaissait plein et mystérieux, comme un jeune animal. Au-delà de ce sable, au-delà des montagnes, il y avait la mer. Au-delà de la mer, la France, si verte, si pleine de vie. Et, pour la première fois depuis trois ans, je savais physiquement, dans chaque parcelle de mon corps, que le retour en France, ce n’était plus simplement qu’un rêve. Que rien, désormais, ni personne, ne nous empêcherait d’y rentrer. Rien, sinon la mort. « Alors toubib, c’était pas pour aujourd’hui ! » me lança au passage le lieutenant P. qui faisait la tournée de la compagnie. « Lui, con », murmura Toubalba qui ne pouvait pas le sentir.
Assis sur une caisse de médicaments, je regardais mes camarades, noirs et blancs, soldats et gradés, se remettre au rythme de la vie quotidienne. Reprendre à pleines mains les gestes de tous les jours. Ce que je voyais surtout sur eux, c’était le côté animal de l’homme, une sorte de tendresse charnelle dans les mouvements les plus simples pour préparer leurs rations, pour étaler les peaux de chèvres qui leur servaient de lit. Comme si l’espèce, issue du fond des temps, sortait à nouveau de ses cavernes pour venir, à travers des millénaires de combats et d’efforts, poursuivre ici la lutte contre le froid, la faim, les ténèbres et les bêtes. Stupéfiante victoire que celle de cette journée. Les gueux venus du Tchad avaient tenu tête à la formidable machine de guerre nazie. Dans ces soldats, épuisés et heureux, je découvrais un visage nouveau. Un sourire un peu myope du sous-lieutenant D. zoologiste dans le civil, qui cherchait à théoriser cette bataille comme il théorisait tout événement, politique, militaire ou scientifique. Sourire un peu rusé, carnassier, du lieutenant P. chez qui, aujourd’hui, rien ne parvenait plus à m’agacer. Sourire doux et mystérieux du sergent C. qui, dans ce désert, ne rêvait, ne parlait que des herbages de sa Normandie. Sourire éclatant de Toubalba qui, dans le crépuscule, s’ouvrait sur de larges dents blanches. Et même sourire du général, sourire plus mince, plus réservé sous la petite moustache, quand il passa nous voir pendant son inspection de la position. Mais, ce qui démentait l’apparente impassibilité de Leclerc, sec et droit dans son battledress, c’étaient, sous la chéchia bricolée en képi, les petites rides autour des yeux, plus nombreuses, plus accusées qu’à l’habitude. Comme si la joie restait intérieure. Comme si sa jubilation éclatait en dedans.

Malgré ma fatigue, j’avais du mal à dormir. Tout s’était arrêté maintenant à Ksar Rhilane. Rien ne bougeait. Le silence n’était troublé que par les derniers chuchotements de ceux qui, sans fin, se racontaient leurs exploits de la journée. Et aussi par la voix aigrelette d’un harmonica, au loin. Sorte de chant plaintif qui rebondissait avant d’expirer sur le sable. Je marchais de long en large, guettant les ombres, porté par l’irruption de cette nuit terrestre. Comment ne pas se sentir en accord avec les grandes lignes confuses de ces espaces nocturnes ? Avec les constellations ruisselant dans le ciel de ce désert ? Avec la sérénité qui enveloppait maintenant Ksar Rhilane ? Une sérénité qui plongeait aussi profondément dans les siècles que dans les ténèbres. Cette journée commencée dans le tumulte et la tourmente s’était achevée dans le calme et la joie. Mais comment serait-elle pure, la joie qui saisit l’homme, seul animal à savoir qu’elle ne peut durer toujours ? Comment ne pas penser que cette journée eût pu être différente ? Comme eût pu être différent ce monde qui nous entourait. Cet océan de sable. Ces montagnes. Ces étoiles. Et surtout ces hommes qui, affalés sous leurs peaux de chèvre, assommés de fatigue, avaient, malgré la fièvre de la victoire, fini par s’endormir. Au loin, l’harmonica s’était tu.
François Jacob, Compagnon de la Libération, prix Nobel de Médecine en 1965, membre de l’Académie française en 1996, médecin auxiliaire dans diverses unités des F.F.L. participa à toute « l’épopée Leclerc » jusqu’à sa blessure en Normandie

Extrait de La Statue Intérieure, éd. Odile Jacob, 1987.

 


François JACOB

 

Né le 17 juin 1920 à Nancy, François Jacob est le fils unique de Simon Jacob et de Thérèse Franck (morte en juin 1940). Son grand-père maternel, Albert Franck (1868-1936), polytechnicien (X1887), est le « premier Juif à atteindre le grade de général de corps d’armée »6. Il est le cousin germain de Gilles Jacob7.

Engagement durant la Seconde Guerre mondiale

Après sa scolarité au lycée Carnot de Paris, il s’inscrit à la faculté de médecine de Paris avec l’intention de devenir chirurgien. Ses études de médecine sont interrompues avant la fin de la deuxième année : en juin 1940, il quitte la France pour rejoindre les Forces françaises libres à Londres. C’est en qualité d’officier du Service de santé des armées qu’il participe aux opérations militaires au Fezzan et en Tripolitaine (Libye), ainsi qu’en Tunisie, où il est blessé par des éclats de mortier au bras. Il passe ensuite dans la 2e DB. Lors de la campagne de Normandie en août 1944, il est à nouveau blessé, cette fois grièvement (son bras et sa jambe reçoivent quatre-vingts éclats de grenade aérienne), et doit passer sept mois à l’hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce. Il est nommé médecin-lieutenant à titre exceptionnel le 10 novembre 19448.

Après la guerre, il termine ses études de médecine à Paris, où il soutient en 1947 une thèse consacrée aux propriétés de la tyrothricine9, un antibiotique à usage local qui avait été isolé dès 1939 par René Dubos, et qui fut le premier antibiotique commercialisé10. La même année, il épouse la pianiste Lysiane Bloch, avec qui il va avoir quatre enfants : Pierre, qui devint philosophe, les jumeaux Laurent et Odile (fondatrice des éditions Odile Jacob), et Henri. Veuf, il se marie en secondes noces avec le docteur Geneviève Barrier, directrice du SAMU à Paris.

Humaniste, il a notamment signé, avec d’autres lauréats du prix Nobel, un appel demandant qu’une délégation du Comité des droits de l’enfant de l’ONU rende visite à un enfant tibétain en résidence surveillée depuis 1995 en Chine, Gendhun Choekyi Nyima, reconnu comme 11e panchen-lama par le 14e dalaï-lama, Tenzin Gyatso.

Les honneurs militaires lui sont rendus le 24 avril 2013 dans la cour d’honneur des Invalides, en présence du président de la République.