L’Esprit LECLERC

 

L’ESPRIT LECLERC 

AMITIÉ – SOLIDARITÉ – FRATERNITÉ

 

Par le colonel Philippe PESCHAUD

 

Dans cette période difficile que traversent le monde et la France, il semble utile de se pencher sur le passé pour voir, pour analyser, pour comprendre ce qu’ont fait les grands chefs qui nous ont précédés, et déterminer ainsi les facteurs du succès dans leur action ” au service du pays “.

Parmi eux, le général Leclerc que nous avons connu, approché, servi pendant une période – très délicate. A mon sens, son exemple correspond plus que jamais aux qualités nécessaires pour l’action dans le temps présent.

Dès son entrée à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, Leclerc avait compris la nécessité de savoir ” intégrer ” des éléments composites, d’origine et de formation différentes. C’est le principe qu’il appliqué aux unités de la 2′ DB avec un grand succès. Quelques semaines suffisaient pour procéder à ” l’amalgame “, en respectant la personnalité de chacun, la qualité qu’il fallait ” développer “, les défauts qu’il importait de réduire ou de corriger. Oui, la première leçon à tirer de l’exemple de Leclerc avant toute chose : rassembler ceux que l’on commande sur un objectif précis, concret, compris de tous, en faisant appel à sa troupe, au courage qui l’anime et à la foi qui l’inspire !

Pour donner à ces perspectives les dimensions du succès, Leclerc ne ménageait pas sa présence… Le Général, en effet, paraissait être doué du don d’ubiquité. On le trouvait, on le rencontrait partout : au bivouac, à l’état-major, au champ de tir, comme sur le terrain de manoeuvres à la pointe du combat ! Omniprésent! Voyant chacun, en inspectant l’ensemble, il ne ménageait ni compliments, ni critiques, ni mises en garde. Chacun avait l’impression d’être connu, aidé, suivi dans l’exercice de ses fonctions, pour être, le cas échéant, mieux conseillé, mieux guidé, mieux aidé… Leclerc nous rappelait que le vrai commandement, c’était avant tout de la présence et de la chaleur humaine.

Quels étaient les fondements de cette volonté ? Sur quelles bases reposait, cette énergie ? Après maintes réflexions, après de multiples contacts avec tous ceux qui l’avaient approché, il me parut possible de formuler un avis et d’émettre une hypothèse…

La personnalité de notre héros – les opinions choisies, les décisions prises, les combats engagés, tout reposait, tout était dicté par la Foi : une foi, simple mais profonde dans son pays et dans son Dieu. Une foi vivante, conquérante en la patrie qui l’a vu naître. C’est sur sa terre qu’il se sent à l’aise, quand il peut respirer son parfum, la fouler à loisir, la parcourir, que ce soit à la chasse ou à l’exercice. Même foi, même amour, même confiance dans les hommes qui, comme lui, en sont issus… et qui, bien guidés, bien commandés, sont susceptibles de réaliser des prodiges… C’est dans ce patriotisme ardent, fervent, sincère que se situe le premier fondement de cette volonté dont la rigueur, à première vue, peut étonner.

Mais cette Foi dans la Patrie avait conduit Leclerc vers de plus pures ” grandeurs ” : chrétien de naissance, il l’était resté au cours des âges de sa vie et dans toutes les péripéties qui l’avaient jalonnée. Il croit de toute son âme et il respecte scrupuleusement tous les commandements. Quand on croisait le regard du Général, on imaginait sa “vie intérieure ” ; mais lui, se gardait bien de l’extérioriser, tant

Chef de peloton de circulation routière à la 2′ DB. Président national des Anciens de la 2′ DB. Président de la Fondation Maréchal Leclerc de Hauteclocque, sa modestie le rendait tolérant et l’éloignait du domaine du ” donneur de leçons “.

Cette Foi, le général Leclerc la communique autour de lui sans discours, sans ostentation. Elle est le moteur de sa manière de commander, c’est elle qui le conduit jusqu’à l’audace, dans le moment qu’il choisit, ne se laissant jamais subjuguer par des contingences extérieures.

Conscient de ses responsabilités, il recherche à tout instant les moyens qui doivent mener ses entreprises au succès. Ainsi, sa 2e DB ne peut qu’être performante. Autant pendant sa mise sur pied que pendant ses combats, il n’a de cesse de vérifier la compétence de chaque élément. Il demande et obtient le meilleur d’eux-mêmes par leur entière adhésion au nom de l’efficacité, faisant abstraction des rivalités mesquines et des divergences inutiles, n’oubliant jamais qu’il s’adresse à des hommes. Un seul objectif : l’intérêt supérieur du pays.

Foi profonde en particulier dans l’avenir, audace, compétence, sens de l’humain, voilà quelques traits de cet esprit que le général Leclerc a inculqué à ses hommes, ” cet esprit qui anime notre Division “, cet esprit que les Anciens de la 2e DB ont conservé tout au long des cinquante années qui viennent de s’écouler, et qu’ils transmettent aux jeunes générations par tous les moyens possibles, certains que ces valeurs, aujourd’hui comme hier, conduisent à la réussite.

C’est dans cet esprit – cet ” Esprit Leclerc ” – que nous devons continuer notre vie et prolonger notre action. En union avec le Général, au service de notre Pays, au service de la France.

 

 

 

LA FIDÉLITÉ DE LA RELÈVE

par Virginie Némard,
Master 2 droit bancaire et financier

 


La première fois que j’ai entendu parler du général Leclerc, j’avais dix ans.
Avec ma classe de CM1 nous nous sommes investis dans un projet devant nous conduire à la célébration du cinquantième anniversaire de la libération de Strasbourg, en novembre 1994.

Comme tous les enfants d’une dizaine d’années, j’ai parlé du général Leclerc et de la 2e Division Blindée à la maison. Ma grand mère m’a donc confié un livre sur le Général qu’elle gardait précieusement : Leclerc et ses hommes. J’étais fière de ce que je faisais à l’école mais je n’avais pas encore réalisé l’importance de ce projet de classe.

Notre maîtresse nous a fait découvrir certains textes comme le serment de Koufra. Elle a aussi essayé de nous faire comprendre ce que le Général avait voulu dire à ses hommes : ” Officiers, Sous-officiers et Soldats de la 2ème DB. En cinq jours vous avez traversé les Vosges malgré les défenses ennemies et libéré Strasbourg. Le serment de Koufra est tenu ! Enfin et surtout, vous avez chassé l’envahisseur de la capitale de notre Alsace, rendant ainsi à la France et à son armée son prestige d’hier. Nos camarades tombés sont morts en héros.
Honorons leur mémoire. ” Le général Leclerc voulait les remercier d’avoir combattu, d’être allé au bout des choses depuis le serment de Koufra, prononcé le 2 mars 1941.

Voyant une certaine effervescence autour de moi, mes parents fiers de ce que je faisais, je me suis vraiment investie dans ce projet. Le jour J notre présentation fut fabuleuse, les applaudissements ont retenti dans toute la salle. Nous venions de faire une promesse : ” Des mots inconnus sont entrés en nous : Honneur, Patrie, Sacrifice, Liberté. Vous êtes devenus nos héros et vous resterez toujours dans nos coeurs et dans nos mémoires. Grâce à vous, nous qui avons aujourd’hui, neuf, dix et onze ans, nous avons le droit de parler, de lire, d’écrire et de porter notre nom. Pour que cela ne soit pas oublié, nous faisons la promesse de nous retrouver dans cinquante ans, sur la place Broglie, non loin du lieu où s’envola pour la première fois la Marseillaise, au pied du monument dédié au Général Leclerc, pour célébrer les exploits de la 2e Division Blindée et de leur chef. Aujourd’hui, nous sommes vos petits-enfants, mais en 2044 nous raconterons votre chevauchée fantastique et votre lutte contre le fascisme à nos petits enfants. ” .

En approchant les anciens combattants présents j’ai ressenti que ce que je venais d’accomplir avec mes camarades avait beaucoup d’importance. Une fantastique émotion régnait. Fière de présenter le livre de ma grand-mère à ses personnes, j’eu l’idée de leur demander de me signer un autographe car finalement ils étaient à mes yeux des héros. Après cette représentation, on nous baptisa ” la relève “. A Paris, la maison des Anciens de la 2e Division Blindée voulait nous rencontrer. Les Anciens souhaitaient nous transmettre l’esprit Leclerc, nous conter la vie de leur chef et la leur. Ils nous ont même décerné une médaille que je garde précieusement dans la vitrine familiale. Avec mes yeux d’enfant, cette remise de médaille confirma l’idée que je faisais quelque chose d’important pour eux. Par ce geste, ils nous confiaient leur devoir de mémoire.

Le Général a su transmettre à ses hommes l’envie de défendre la France. Il leur a montré qu’avec la volonté et la foi on peut arriver à réaliser l’impossible. Cet homme a pris l’engagement de libérer la France alors que tout paraissait perdu. Il a convaincu ses hommes qu’ils pouvaient y arriver.

Cette rencontre avec les Anciens de la 2ème DB m’a appris à aller au bout des choses dans la vie de tous les jours et à ne jamais baisser les bras. Elle m’a aussi permis de rencontrer des gens formidables qui aujourd’hui ont une réelle importance dans ma vie. Je suis en contact régulier avec M. Jean-François Rossi, Manette, et Papy Véron et bien sûr mon cher ” Mickey ” (Claude Correia) que j’aime présenter comme mon grand-père de coeur, ce qui est à mes yeux plus important que le sang. J’ai rencontré tellement de personnes formidables que je ne peux toutes les citer ; ce n’est pas pour autant que je les oublie.
Grâce à eux, j’ai appris qu’il était possible de tisser des liens étroits avec des personnes d’une autre génération et que je peux compter sur eux comme ils peuvent compter sur moi.

Tous les ans nous nous rassemblons pour les célébrations de la libération de Strasbourg afin d’assurer le devoir de mémoire qu’ils nous ont confié. Cette année ces célébrations seront empreintes d’une émotion toute particulière puisque nous commémorerons le 60ème anniversaire de la disparition du Général Leclerc. Lors du 50ème anniversaire de sa disparition, avec mes camarades nous étions présents lors de la cérémonie à Paris. C’était fascinant de percevoir l’émotion qui envahissait l’assistance. J’ai ressenti une certaine fierté d’avoir été conviée à une cérémonie de cette importance, d’être présente et de participer à ma manière à ce grand hommage. Dans cette aventure, mon seul regret est qu’il nous ait quitté bien trop tôt ; je n’ai donc pas eu l’honneur de le rencontrer.

Dans ces quelques lignes j’ai exprimé mon ressenti. Toutefois je tiens à remercier mes camarades car, même si j’ai écrit cet article, je ne suis pas seule dans l’aventure de la relève. On a tous fait quelque chose, chacun à son niveau. Rien ne se serait fait sans notre très chère professeur des écoles Mme Elfy Pfalzgraf. Je tiens également à remercier tous les Anciens combattants que j’ai pu rencontrer. Ceux-ci nous ont toujours accueillis à bras ouvert, impatients de nous transmettre un petit bout d’eux-mêmes. Merci à tous ceux qui ont cru en moi pour réaliser ce document.