Lieutenant Henri LECLERC de HAUTECLOCQUE

 

” CROIRE et VOULOIR “

Portrait du Lieutenant Henri Leclerc de Hauteclocque

 

 

Henri-Leclerc de Hauteclocque

 

Né à Versailles le 27 mai 1926, Henri, François, Marie-Thérèse de Hautecloque passa la majeure partie de sa jeunesse dans la Somme où sa famille paternelle, de vieille noblesse picarde, est fixée depuis plusieurs siècles.

Grandissant loin de son père, qui participe alors à la pacification du Maroc, Henri de Hautecloque atteint très jeune la maturité. Son dynamisme, son goût des responsabilités, son ascendant naturel annoncent très tôt le futur entraîneur d’hommes : prestigieux aîné d’une famille de six enfants, II s’impose également près des garçons du village, s’occupe d’eux le dimanche au patronage, puis au milieu des scouts, dont il est un chef écouté.

C’est en 1942 qu’il entre à la Route dont la devise « Servir » correspond si bien à son idéal : l’année suivante, malgré sa jeunesse et une ancienneté insuffisante, il est choisi pour prendre le commandement de la troupe scoute « Guy de Larigoudie ». Il a à peine 16 ans : va-t-il réussir pleinement comme Chef Routier ? Son Aumônier nous en donne l’assurance : « Ses chefs de patrouille craignaient, lors de ses inspections, son regard auquel rien n’échappait, et l’adoraient pour sa gentillesse et son coeur. Remarques et observations faites, il savait, d’un sourire, effacer toute peine et, d’une boutade, détendre l’atmosphère. Connaissant bien ses garçons et voulant, en chrétien, leur faire réellement du bien, il épaulait son aumônier sur le plan spirituel et ses mots, toujours brefs, portaient. »

Simultanément, il poursuit ses études au Collège de la Providence d’Amiens où il était entré en octobre 1938. En 1943, il prépare en même temps le baccalauréat de math élém. et celui de philo. Ses éducateurs gardent le souvenir d’un garçon énergique, difficile à tenir, en bref : le contraire d’un tiède, une nature d’élite.

A 17 ans, considérant déjà, comme il le fera jusqu’à sa mort, qu’il serait déshonorant, pour lui, de ne pas être là où est le danger, il entre dans la Résistance. Il prend alors une part active à l’organisation de son secteur, participe aux opérations clandestines et accomplit de périlleuses missions auprès des Alliés. Son courage et son audace sont récompensés, dès août 1944, par une première citation.

Dès qu’il le peut, il cherche à rejoindre l’armée régulière et, le 7 septembre, arrive à la 2e Division Blindée après avoir contracté un engagement de cinq ans dans l’Infanterie Coloniale, sous le nom que l’Histoire a désormais reconnu à sa famille, en hommage aux services rendus par son père. Celui-ci le confie au Commandant Massu, Commandant le 2e bataillon du régiment de marche du Tchad, pour être affecté à la compagnie Eggenspiller.

Luttant pour porter haut un nom couvert de gloire, Henri Leclerc de Hautecloque veut cependant demeurer lui-même, mériter des titres qui lui soient propres, atteindre le renom par ses qualités personnelles, en un mot ne pas être que le fils du Général. Cette idée ne le quittera jamais, et la véritable vénération qu’il avait pour son père l’aidera à atteindre ce but.
Il n’attend guère, d’ailleurs, pour prouver sa valeur.

Quatre jours après son engagement, il est blessé d’une balle au cou, à Contrexéville, lors de la marche vers Strasbourg. Sous les ordres du Capitaine Eggenspiller, instructeur compétent, précis et guerrier magnifique, Henri Leclerc poursuit sa formation militaire tout en participant aux opérations. Il est à nouveau blessé le 20 novembre, à Dabo, dans les Vosges, par des éclats d’obus à la figure et aux mains, mais refuse son évacuation.

En toute occasion, il fait preuve de bravoure mais non de témérité ; il est, au contraire, toujours parfaitement maître de lui ; comme soldat, puis, plus tard, comme chef, il s’avère « combattant lucide et brave ».
En décembre, il reçoit les galons de Caporal en même temps qu’une citation à l’ordre de l’Armée, déjà sa deuxième citation.
C’est en Bavière, au milieu de ses camarades de la compagnie d’accompagnement du 2e bataillon du régiment de marche du Tchad qu’il fête la Victoire et les galons de Sergent qu’il vient tout juste d’obtenir. Attiré par le métier de armes, il se présente alors à l’examen d’entrée à l’école des Elèves-Officiers de Coetquidan. Ses brillantes qualités intellectuelles et ses titres de guerre le font admettre sans difficultés à ce stage, mais ne l’éloignent que provisoirement du régiment de marche du Tchad.
En effet, nommé sous-lieutenant le 26 décembre 1945, il choisit, lors de l’amphi-garnison de la promotion de « La Victoire », de retourner à la 2e Division Blindée qui a constitué un groupement de marche en vue de continuer la lutte en Extrême-Orient.

Interrompant sa permission de fin de stage, il embarque à Marseille le 17 janvier 1946, arrive à Saïgon trois semaines plus tard et rejoint, en Cochinchine, ses camarades qui revoient avec plaisir, après huit mois d’absence, son franc regard et sa fine silhouette, qui évoquent son père de manière frappante.
Lorsque le groupement faiit mouvement vers le Tonkin, Henri Leclerc débarque à Haïphong avec le 4e bataillon du régiment de marche du Tchad et atteint Hanoï le 18 mars. Le jour de Pâques, on peut d’ailleurs le voir traverser Hanoï en jeep, sous un feu violent d’armes chinoises, avec le même courage exceptionnel, mais toujours très simple, qu’il avait montré sur le chemin de Strasbourg.
A la fin du mois de juin, une colonne mobile quitte Hanoï pour Langson et va s’installer, aux portes de la Chine, la base prévue par les accords passés avec Ho Chi Minh, quelques trois mois auparavant.
Elle comprend, entre autres, un détachement blindé du groupement Massu dont le Sous-Lieutenant Henri Leclerc commande la section d’éclaireurs sur jeep. Quelques difficultés imprévues, en particulier un accrochage à Bac Ninh, provoquent un arrêt de quelques jours à Phu Lang Thuong. De ce village, Henri rayonne vers Kep, Bao Loc, Luc Nam et se familiarise avec le Tonkin, qu’il parcourra si souvent par la suite.

delta du Tonkin

Enfin, le 8 juillet 1946, la colonne atteint Langson.
Tout de suite, il faut se « donner de l’air » autour de la ville, pour ne pas paraître craindre les réactions Viet-Minh, mais ne pas les provoquer non plus. Le Colonel commandant la colonne prescrit une « promenade » vers la route de Mon Cay. Ce sera à Henri Leclerc de « dégager ». La mission est simple : sortir de la ville en touriste, faire quelques tours de roues et rentrer — mais délicate aussi, car si, par hasard, un poste Viet-Minh vient barrer le chemin, passer tout de même, fermement, sans provo-cation. En aucun cas n’ouvrir le feu le premier, éventuellement répondre violemment. Henri Leclerc part ; à quelques centaines de mètres de la ville, il rencontre un barrage. Les jeeps s’arrêtent ; d’un air inoffensif et assuré, quelques hommes avancent, pendant que, auprès des véhicules dispersés, les tireurs restent aux pièces prêts à parer à toute éventualité. A trois cents mètres, une maison et des buissons attirent l’attention et semblent suspects. Tout à coup, de la bicoque, partent des coups de feu. Aussitôt Henri Leclerc répond ; il dirige calmement son feu, surveille le poste viet et interdit tout mouvement des petits soldats verts en direction des buissons de part et d’autre. Sagement, il gagne les quelques minutes qui permettent aux auto-mitrailleuses, en alerte à Langson d’arriver et d’infliger une sanction sévère aux Viet-Minh qui avaient délibérément ouvert le feu. Peu après, Henri Leclerc est de retour à Langson, mission accomplie, promenade effectuée, sans perte.

Bien d’autres patrouilles suivront, au cours desquelles le Viets ouvriront le feu les premiers : Dong Dang, Bac Ninh, et, le 3 août, Phulang Thuong, où Henri Leclerc est blessé par un éclat de grenade à la jambe et au bras, puis Hanoï, Haïphong, où il continuera de promener son regard bleu, si ferme et si tranquille.
Le 19 décembre, au cours d’une ouverture de route, il paye le tribut de son audace : une blessure par balle au bras avec fracture ouverte, alors qu’il se portait, sous un feu violent d’armes ennemies, vers un groupe en difficulté.
Cette blessure l’immobilise à l’hôpital jusqu’au 25 juin 1947 : cinq longs mois d’inactivité, durs pour un tempérament d’action comme le sien. Au lieu de s’impatienter ou de désespérer, c’est lui qui, par sa générosité, sa camaraderie franche et simple, sa gaîté, sa foi profonde, va remonter le moral de ses camarades plus atteints, parfois si gravement mutilés qu’ils sont sur le point de perdre tout espoir.
C’est ensuite la convalescence et, pendant quelques semaines, dans la demeure ancestrale de Tailly, le premier vrai contact de l’adolescent devenu homme avec son père.

En mai 1947, à l’ombre du drapeau du régiment de marche du Tchad, qui vient d’être décoré de la Médaille Militaire par le Général Leclerc, le Sous-Lieutenant Henri Leclerc reçoit, du Colonel Massu, la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur. Il vient d’avoir 21 ans…
Quel portrait peut-on faire de lui à cette époque ?
Il est grand et beau, dur à la fatigue comme à l’épreuve. La tête haute, le regard droit, toujours maître de lui, il émane de sa personne une réelle autorité. Son allure calme et décidée — il a parfois des réactions violentes et de saines indignations — inspire confiance. Droiture et simplicité, rigueur morale et bonté, grande discipline intellectuelle, alors que le sens de nos actions militaires n’est pas toujours très clair pour les exécutants. Un sentiment très chatouilleux de l’honneur et du devoir, mais allié à une profonde humilité : il aurait pu s’enorgueillir de sa prestance et de non nom, il préfère la simplicité. Une gaîté certaine, quoique vite empreinte de réserve et une grande pudeur pour tout ce qui concerne son intimité.
Tels apparaissent les traits essentiels de son caractère et de sa personnalité.
En novembre 1947, il est affecté au Tchad dans une unité méhariste, comme le souhaitait son père. C’est là qu’il apprend la brutale nouvelle de la disparition du Général. Il revient à Paris, pour être auprès des siens, lors de son inhumation.
Avant de repartir pour le Tchad, il écrit au Colonel Massu : « Je n’ou-bierai jamais que c’est par vous que j’ai connu les plus belles années de ma jeunesse. Je n’ai qu’un regret, c’est celui de n’avoir eu que treize ans et demi en 1940. Car, au fond j’ai très peu connu mon père. C’est très dur. Mais, pour que son sacrifice suprême soit parfait, c’est de notre énergie qu’en viendra le parachèvement. Je me rends compte de la charge que cela représente de s’appeler Leclerc. Je fais appel à toute ma foi et ma volonté pour en être digne. Je repars dans huit jours. Ce départ me sera dur, mais mon père et vous nous avez suffisamment appris que le pays passe avant tout intérêt personnel. »
Durant trente mois, le Sous-Lieutenant Henri Leclerc peut alors faire une cure de silence, en plein désert saharien, dans les peletons méharistes du Tchad. Homme d’action, il ne refuse pas pour autant la méditation qui épure et fortifie.
Il met à profit son éloignement de l’agitation, « dite civilisée », selon ses propres termes, pour réfléchir sur les problèmes de son époque, et en particulier, sur la crise de la jeunesse d’alors, ses causes et ses remèdes possibles.

A maintes reprises, dans ses lettres aux siens, à ses amis, à ses anciens éducateurs, il aborde ces questions avec une grande maturité d’esprit :
« Notre pays, au même titre que le monde entier, est actuellement en rupture d’équilibre. En dehors de toute considération d’ordre politique ; économique… je crois que nous souffrons d’une grave crise de Foi. J’en-tends ce mot dans son sens le plus large, et pas seulement dans son sens religieux. Ecrasé par le matérialisme déchaînant des éléments nouveaux dont il ne connaît ni la portée, ni les limites, le monde donne l’impression de tâtonner. A mon avis, tous ces désordres proviennent d’une crise de spiritualité. Les gens ne croient plus en rien… Quel est, dans ce déséqui-libre, la place de la jeunesse ? Elle a plus que jamais un rôle primordial à jouer : redonner au pays la notion des vraies valeurs… »
Que pense-t-il de la carrière militaire pour un jeune qui se trouve sur le point de terminer ses études secondaires ?
« Là comme partout, il, faut regarder les choses en face, en toute objectivité. Nous n’aurons plus une grande armée comme nous l’avons eue avant cette dernière guerre. De gré ou de force, il nous faudra arriver à la solution d’une Fédération de l’Europe. Ceci posé, on s’aperçoit tout de suite que notre armée comptera beaucoup plus par sa valeur que par le nombre… »
« Cela a été rabâché en tous sens, mais je crois qu’il est plus que jamais d’actualité de dire que le métier de militaire, est une vocation plus qu’une situation. La situation d’Officier n’est plus en ce moment ce qu’elle était avant. Traitements maigres, dévalorisation dans la hiérarchie sociale… Mais à un garçon de valeur ayant un bagage humain et intellectuel solide, sachant ce qu’est la propreté morale, il reste encore de vastes horizons. »
Henri Leclerc ne reste pas insensible au spectacle qu’il a sous les yeux. A l’occasion, il met dans ses lettres une note de couleur locale à laquelle il sait joindre une certaine poésie :
« Dans trois jours, c’est la fin du Ramadan. Le jour de l’Aïd est tou-jours une grande fête. Nos bons nomades dans le sable se réjouissent de ce jour-là. C’est bien modeste, une bête tuée, un peu plus de thé que d’habitude ; les jeunes se drapant dans un chiffon un peu moins sale qu’à l’ordinaire, on criante Allah, on est malheureux. Depuis la Bible, rien n’est changé, les musiciens chantent ce que faisaient les grands-pères de leurs grands-pères… chameaux plus rapides que le vent… de vrais contes auxquels ils finissent par croire…
Le jeu des mutations met fin à un séjour qui a certainement contribué à l’élévation morale du jeune chef de peloton de méharistes.

Après un bref passage d’un an à Paris, au Secrétariat Général Perma nent de la Défense Nationale, Henri Leclerc repart pour l’Indochine, sur sa demande, le 4 juin 1951, et est affecté au bataillon de marche Indochinois.
Alors que d’autres intriguent pour obtenir Saigon ou Cholon, il manoeu-vre pour remonter vers le nord, et au début du mois de décembre, obtient enfin, avec le commandement de la 1re compagnie, un poste opérationnel.
En attendant le départ du Commandant de cette unité, en instance de rapatriement, il reste à la disposition du Chef de bataillon et en profite pour visiter les unités et le secteur de Phunc-Nhac. Lorsque le Viet-Mïnh passe à l’offensive, le 10 décembre, et occupe Phat Diem pendant vingt-quatre heures, Henri Leclerc prend provisoirement le commandement de la 263° compagnie de supplétifs militaires et participe aux opérations de Phat Diem et de Phuc Nhac.
Du 14 au 21 décembre, il participe sans cesse aux opérations de nettoyage de cette région.
Le 24 décembre, la pression viet-minh s’étant accentuée autour de Phuc Nhac, la 263e compagnie de supplétifs militaires reçoit l’ordre de nettoyer Khuong-Thuong. La compagnie parvient à déboucher, mais la section avec laquelle se trouve Henri Leclerc est violemment contre-attaquée. Il manœuvre avec calme, rétablit la situation, puis dégage le village et, finalement, reste seul maître du terrain.
Le 25, il prend en charge la 1re compagnie, jusque-là en réserve de bataillon dans les bâtiments du séminaire de Phuc Nhac et le 27, le com-mandement du sous-secteur de Yen Cu Ha, relevant avec son unité les postes de Van Bong et de Yen Cu Ha.
Du 28 décembre au 2 janvier 1953, il procède à l’installation de sa compagnie, veillant au moindre détail de l’organisation défensive et maté-rielle des deux postes.
Le 3 janvier, des mouvements d’unités viet-minh sont repérés dans le « doigt de gant » (région de Dong Phu et ligne des villages Nam-Khu, Bac-Khu, Trung-Khu, Thuong Khu). Une opération est décidée pour le lendemain ; la journée se passe en préparatifs.

Commencée le 4 au matin, à partir de ces deux postes, la mise en place de la 1re compagnie est ralentie par plusieurs accrochages en cours de progression. *
A 12 h 20, après une préparation d’artillerie et d’aviation, deux compa-gnies du 22e régiment de tirailleurs algériens, soutenues par le peloton d’auto-mitrailleuses du Lieutenant Lamy et par deux compagnies du bataillon de marche indochinois (2e et 4 ) s’élancent à l’assaut de Dong Thon. Après avoir pris pied dans le village, elles sont violemment contre-attaquées et, finalement, repoussées. Deux auto-mitrailleuses sont détruites, le Lieutenant Lamy est tué.

Une heure plus tard, la 4e compagnie attaque de nouveau sans plus de succès.
A 14 h 15, le Lieutenant Leclerc reçoit l’ordre d’attaquer Trung-Khu, en liaison sur sa droite avec la 264″ compagnie de supplétifs militaires du Lieutenant Mallet. L’attaque est prévue en deux temps : frontalement, d’abord par la 264e compagnie de supplétifs militaires, puis, de flanc, par la 1™ compagnie dès que la première action sera engagée.
Après une courte préparation au mortier de 60, alors que le Lieutenant Mallet se dresse pour lancer sa compagnie à l’assaut, les Viets contre-attaquent : le Lieutenant Mallet est tué dès leurs premières rafales.
Les Viets ont déclenché leur offensive sur trois directions : l’une face à la 264e compagnie de supplétifs militaires, une autre face à la 1™ compa-gnie, la troisième enveloppe celle-ci sur sa gauche. La compagnie de supplétifs, privée de son chef, reflue au milieu d’ennemis aussi nombreux qu’acharnés. Le Lieutenant Leclerc tente d’abord de juguler le flot adverse, mais, submergé lui-même par ie nombre, ordonne le décrochage de ses éléments.


Agrandissement de la région Nord de Phat-Diem

 

Poursuivant le combat pendant un repli difficile dans la rizière, il arrive, avec une partie de sa compagnie, à hauteur de tombeaux situés à l’ouest de Trung-Khu. Il est alors grièvement blessé à la jambe. Un des chefs de section, le Lieutenant Daï, le charge sur ses épaules et l’emporte. Presque aussitôt rejoint par les Viets et sommé de se rendre, Henri Leclerc, plus lucide que jamais, ordonne à Daï de le laisser, lui remet son porte-carte, le code radio et ses papiers, puis le renvoie afin qu’il s’occupe de la compagnie… A la grenade, Daï parvient à se dégager.
Lorsque la plupart des éléments de la compagnie se sont rétablis au poste de Van Bong, l’Officier Adjoint tente une action pour rejoindre le Lieutenant Leclerc. Bloqué peu après la sortie du poste par les unités Viets-Minh qui l’encerclent, il est obligé de rompre le combat et de renoncer à sa tentative. Par la suite, aucune donnée précise ne pourra être obtenue sur les derniers instants du Lieutenant Leclerc de Hautecloque, son corps ne sera jamais retrouvé.

 

4 janvier 1952… 4 janvier 1969…

Voici dix-sept ans, après Lamy, Mallet, et combien d’autres camarades, le Lieutenant Henri Leclerc de Hautecloque tombait en Indochine. Ce jour-là, le fils rejoignait le père dans la même légende.
Si Henri Leclerc avait su forger son caractère et endurcir son corps, d’abord pendant l’adolescence, à l’âge normal des rêveries romantiques, puis pendant la campagne de la Libération, pour ce preux, l’ultime veillée d’armes avait duré trente mois, dans le silence du désert.
Il était prêt pour le destin exceptionnel qu’il avait voulu et préparé.
Il est tombé à l’aurore d’une carrière qui s’annonçait des plus brillantes, ayant conquis l’estime de ses chefs, l’amitié de ses camarades et l’admiration confiante de ses subordonnés, conscients d’être commandés par un être d’exception.
Pour sa passion du métier choisi, son amour du pays, sa sagesse née de la méditation, son courage lucide et sans faille capable de s’élever jusqu’à l’acceptation de sa mort, Henri Leclerc de Hautecloque demeure un exemple pour tous ceux qui marchent sur ses traces, pour tous ceux qui cherchent leur voie.

Citations :


CITATION A L’ORDRE DE LA DIVISION

ORDRE PARTICULIER N° 39 du Général PREAUD – 2e.Région Militaire

« A pris une grande part à l’organisation du secteur O.R.A. et aux actions militaires. S’est particulièrement distingué le 30 août 1944 en exécutant une liaison avec les Troupes alliées et en traversant à cet effet les lignes ennemies en plein combat. Bel exemple d’audace et de dévouement patriotique. »

 

CITATION A L’ORDRE DE L’ARMEE
ORDRE GENERAL N° 78, du 20-12-1944 du Général LECLERC

« Agent de transmission d’un Commandant d’unité d’avant-garde, a effectué au cours de la campagne d’Alsace de nombreuses missions de liaison sous le feu ennemi avec rapidité et intelligence. S’est parti-culièrement distingué au cours de la poursuite de WALSCHEID où, blessé, il a refusé de se faire évacuer.
Avait été blessé une première fois à CONTREXEVILLE. Combattant lucide et brave. »

 

ORDRE GENERAL N° 89 du 25-2-1947
du Général de Division VALLUY, Commandant Supérieur des T.F.E.O.
portant nomination dans l’Ordre de la Légion d’Honneurau grade de Chevalier

« Jeune et brillant officier d’un courage et d’un allant au-dessus de tout éloge. Commandant de l’avant-garde de la colonne envoyée à LANGSON sur BAC NINH lors de l’attaque du 3 août 1946, a réussi, grâce à son sang-froid et à la sûreté de sa décision, à se dégager d’une embuscade dans un terrain particulièrement difficile, en infligeant des pertes sévères à l’ennemi. A été blessé au Cours de l’action. »
« Le 19 décembre 1946, commandant la section de combat d’un train blindé qui participait à l’opération d’ouverture de la route de HAIPHONG à HANOI, a été grièvement blessé en se portant à découvert sous un feu violent d’armes ennemies au secours d’une mitrailleuse en difficulté. »
Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre T.O.E. – Avec palme

 

DECRET du 19 mai 1952
portant promotion dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur au grade d’Officier

« Magnifique Officier. Commandant d’Unité de haute valeur. Le 3 décembre 1951 s’est distingué lors de l’attaque des villages de PHUONG YET (Tonkin) en contrecarrant par deux fois les violentes attaques d’une unité rebelle et en engageant peu après des sections de réserve qui coûtèrent à l’adversaire l’anéantissement d’une de ses compagnies et la perte de deux F.M., d’un mortier de 60 et de 50 fusils. Le 24 décem-bre 1951, chargé de l’ouverture de la route de PHUC NHAC-YEN CU HA (Tonkin), est tombé à KHUONG THUONG, sur une très importante embuscade rebelle. Subissant de violents assauts d’une compagnie d’élite, l’a clouée au sol, lui infligeant des pertes sévères. Contre-attaque aussitôt sur son flanc droit par de forts éléments rebelles, a, en dépit de l’inégalité du combat, réussi à décrocher et à s’installer sur le poste voisin. Enfin, le 4 janvier 1952, à l’attaque de la boucle de DAY (secteur de PHAT DIEM), a d’abord nettoyé rapidement le village de VAN BONG, puis a assuré par ses feux une aide efficace à la compagnie de tête, lors de son assaut du hameau de TRUNG-KHU. Cette unité ayant été brutalement contre-attaquée par un bataillon rebelle, et celle-ci refluant au milieu d’ennemis aussi nombreux qu’acharnés, a tenté d’abord de juguler le flot adverse, mais submergé lui-même par le nombre, a ordonné le décrochage de ses éléments.
Contraint de se replier dans un terrain de rizière très difficile d’accès, grièvement blessé au cours de l’action et emporté à dos par son adjoint, a essayé vainementd’échapper aux rebelles qui le poursuivaient.
Sur le point d’être pris,a ordonné à son porteur de le laisser sur place et de s’enfuir, lui confiant l’ordre des Transmissions alors que les assaillants n’étaient plus qu’à dix mètres de lui.
A donné en l’occurrence un splendide exemple de devoir et de haut esprit de sacrifice, ainsi que cet esprit militaire qui était sa marque. »

Cette promotion comporte l’attribution de la Croix de Guerre des Théâtres d’Opérations Extérieurs avec Palme